Le secteur multifamilial ne peut plus supporter de nouveaux contrôles des loyers ou plafonnements
Ces derniers mois, nous avons vu de nombreux articles de presse et même des politiques gouvernementales plafonnant les augmentations de loyers pour les propriétaires, tandis que les médias et les politiciens tentent de faire porter la responsabilité des problèmes de logement au Canada sur les hausses de loyer des propriétaires d’immeubles multifamiliaux. Certes, l’impact dévastateur de l’inflation sur le pouvoir d’achat a affecté tout le monde négativement. Cependant, blâmer les propriétaires pour le problème d’accessibilité au logement est totalement absurde. La vérité est que les dépenses des propriétaires ne sont pas plafonnées, et pire encore, les taux d’intérêt hypothécaires ne le sont pas non plus—et tous deux ont considérablement augmenté ces dernières années.
Ayant travaillé comme courtier immobilier à temps plein pendant les 21 dernières années, et me concentrant sur les immeubles à appartements dans la région du Grand Montréal depuis 16 ans, je n’ai jamais vécu une telle tourmente liée aux taux d’intérêt hypothécaires comme en 2022, lorsque les taux ont bondi de près de 250 points de base presque du jour au lendemain.
Cela a effectivement été dramatique et a eu un impact négatif sur le pouvoir d'achat des acheteurs, réduisant ainsi les volumes de ventes pour nous tous. Cependant, nous pourrions faire face à un problème encore plus important dans l'année à venir.
Dans notre industrie immobilière, la plupart d'entre nous, ainsi que nos clients, dépendons de l'effet de levier. Où en seraient les prix de l'immobilier sans cet effet de levier ? C'est une discussion pour un autre jour.
Les 12 prochains mois sont cruciaux
Les 12 prochains mois seront cruciaux pour le marché des immeubles à revenus en raison des événements dramatiques que nous avons vécus pendant la période de la COVID-19, particulièrement entre avril 2020 et mars 2021, lorsque les taux d'intérêt ont chuté à près de zéro.
C'était, bien sûr, un moment idéal pour acheter de l'immobilier ou financer des propriétés existantes à des taux d'intérêt historiquement bas. Cependant, cela pourrait se retourner contre les emprunteurs dans les 12 prochains mois si les taux d'intérêt restent aux niveaux actuels. Pourquoi ?
Depuis mars 2021, les emprunteurs immobiliers ont fait face à des hausses de taux significatives, dont la plupart ont eu lieu entre novembre 2021 et août 2022. Le véritable impact de ces hausses de taux se fera sentir lors des renouvellements hypothécaires de 2025 (beaucoup d'hypothèques ont des termes de 5 ans), car l'investissement multifamilial repose essentiellement sur les chiffres et l'effet de levier.
Vue d'ensemble des chiffres
Par exemple, une hypothèque de 1 million de dollars contractée en 2020 à un taux d'intérêt de 2 %, amortie sur 35 ans, aurait un service de la dette de 39 700 $ par an. En 2025, le solde restant sur cette hypothèque serait de 897 000 $. Si l'emprunteur décide de ne pas refinancer et continue de rembourser le prêt, la période d'amortissement serait de 30 ans au moment du renouvellement, contre les 35 ans initiaux. D'après mon expérience, il est très difficile de prolonger la période d'amortissement avec les prêteurs canadiens, à moins que l'emprunteur ne refinance, ajoute au montant de l'hypothèque et paie les frais de renouvellement ou de demande de prêt applicables. Alors, qu'est-ce que cela signifierait pour l'emprunteur ?
En supposant que les taux d'intérêt restent aux niveaux actuels, avec des taux de la SCHL sur 5 ans autour de 4,0 %, l'hypothèque initiale de 1 000 000 $, amortie sur 35 ans à un taux d'intérêt de 2 %, aurait un solde de 897 000 $ au moment du renouvellement en 2025, avec une période restante de 30 ans à un taux de 4,0 %. Le service de la dette passerait de 39 700 $ par an en 2020 à 51 132 $ en 2025, soit une augmentation de 29 % du service de la dette malgré une diminution de plus de 10 % du montant de l'hypothèque.
Ici, je suppose que cet investisseur immobilier est un investisseur multifamilial compétent et qu'il a réussi à suivre les loyers du marché, puisque les loyers moyens dans la région du Grand Montréal ont augmenté de 20 % entre 2020 et 2023 (source : SCHL). https://shorturl.at/gJmSUCette augmentation de 20 % aiderait à compenser une partie de l'augmentation du service de la dette.
Dans l'exemple ci-dessus, je n'ai rien abordé au-delà des taux d'intérêt hypothécaires—aucune mention des coûts de chauffage accrus, des primes d'assurance, des dépenses de rénovation, etc. Mon focus est uniquement sur ce que nous pouvons voir dans les graphiques : la hausse des taux d'intérêt hypothécaires.
Maintenant, imaginez si des contrôles de loyer supplémentaires étaient imposés à l'investisseur/propriétaire. Le Tribunal administratif du logement du Québec est puissant et fixe les montants autorisés pour les augmentations de loyer, mais sa formule ne prend pas en compte le risque lié aux taux d'intérêt. Ses calculs se concentrent uniquement sur les loyers bruts, les vacances locatives, les rénovations et les dépenses utilitaires et administratives, sans tenir compte des hausses des taux d'intérêt.
Toute forme de contrôle des loyers supplémentaire par rapport à ce que nous avons aujourd'hui serait catastrophique pour la communauté des investisseurs et propriétaires d'immeubles multifamiliaux. Sans flux de trésorerie adéquat pour les propriétaires et les investisseurs immobiliers, il est impossible que notre parc immobilier vieillissant reçoive les financements nécessaires pour entretenir ces propriétés, que ce soit pour les locataires ou pour les propriétaires, si des plafonds restrictifs sont imposés sur les loyers. Le marché libre pénalisera les propriétaires qui tentent de surfacturer les locataires—nous n'avons pas besoin de plus de législation à ce sujet. La solution à notre problème d'abordabilité du logement est de faciliter la construction de nouvelles propriétés et d'augmenter l'offre de logements, et non de pénaliser les propriétaires qui sont déjà affectés par les pressions inflationnistes sans plafonds sur leurs dépenses ou leurs coûts d'emprunt.